David Duran
Investment Advisor
Le défaut de paiement des Etats-Unis ou le rallye de Nvidia détournent l’attention de réalités plus nuancées.
Article original publié sur agefi.com
La comédie dramatique du «debt ceiling» a finalement connu le «happy end» qu’on pouvait raisonnablement anticiper. Samedi dernier, le président américain Joe Biden a signé une loi préalablement approuvée par la Chambre des représentants et par le Sénat qui suspend le plafond de la dette pour les deux prochaines années. La fin de cette saga excessivement distrayante permettra aux médias et aux investisseurs de refocaliser leur attention sur les développements conjoncturels.
Plusieurs indicateurs phares viennent d’ailleurs d’être publiés aux Etats-Unis et méritent de s’y attarder. Commençons par le rapport de l’emploi, qui confirme la bonne tenue du marché du travail en mai, avec des créations nettes d’emplois atteignant 339.000 postes. Ce niveau est à comparer aux 294.000 enregistrés en avril et aux 217.000 observés en mars. Cependant, la croissance de l’emploi émane essentiellement du secteur des services tandis que l’embauche stagne dans le secteur manufacturier. En outre, le taux de chômage est remonté de 3,4% en avril à 3,7% en mai et l’inflation salariale a reflué de 4,4% à 4,3%.
Les risques de récession restent significatifs
Les rapports de l’ISM signalent également une certaine dichotomie sectorielle de l’activité. En mai, la marche des affaires dans l’industrie manufacturière est toujours estimée en contraction par un indice qui évolue aux alentours de 47,0 depuis le début de l’année et en deçà du seuil de 50,0 depuis novembre dernier. A contrario, l’indice relatif au secteur des services se maintient au-dessus de cette barre (50,3 en mai contre 51,9 en avril), reflétant une marche des affaires, en perte de vitesse, mais toujours en expansion.
Pour l’heure, les Etats-Unis jouissent d’une croissance économique décente mais les signes de faiblesse affluent et les risques de récession restent significatifs. Les gouverneurs de la Réserve fédérale américaine semblent partager cette préoccupation. Après avoir relevé leur taux directeur de 5 points de pourcentage depuis mars 2022, une majorité d’entre eux semble envisager un statu quo monétaire le 14 juin pour mieux appréhender l’impact de cycle de durcissement rapide et agressif sur la conjoncture. Les membres du FOMC s’accordent toutefois pour dire que cela ne constituerait qu’une pause avant d’opter pour un nouveau relèvement dès le 26 juillet.
Contraste dans la zone euro
Sur les marchés financiers, la quinzaine écoulée a vu l’accentuation de la courbe des rendements du Trésor, avec un rendement à 2 ans qui est remonté au-dessus de 4,50% tandis que le benchmark à 10 ans a plutôt oscillé latéralement autour de 3,75%. Outre le battage médiatique d’un potentiel défaut des Etats-Unis, la fin mai fut également marquée par l’envol du cours de l’action Nvidia, le fabricant de puces graphiques qui profite pleinement de la ruée vers l’intelligence artificielle et qui a largement contribué à la surperformance de l’indice Nasdaq 100.
En Europe, les PMIs de la zone euro dépeignent aussi un contraste entre un secteur manufacturier en difficulté et une activité florissante dans le secteur des services. Pour ce qui est des perspectives monétaires, tout indique que la Banque centrale européenne (BCE) relèvera ses taux directeurs de 25 points de base le 15 juin en dépit du reflux de l’inflation des prix à la consommation (6,1% en mai contre 7% en avril). Dans ce contexte, la courbe des taux de rendement a suivi la tendance d’inversion observée outre-Atlantique.