Audrey Cauchet
Head of Sustainability
La durabilité est devenue un enjeu majeur pour les entreprises de toutes tailles. En Suisse, où les PME représentent 99,7% du tissu économique, la question se pose avec acuité : comment intégrer la durabilité dans leur stratégie sans se noyer sous les contraintes réglementaires tout en disposant de ressources limitées ?
Selon l’Office Fédéral de la Statistique, les PME représentaient 99,7% du tissu économique suisse à fin 2022 et 90% d’entre elles ont moins de dix collaborateurs.
Tandis que les directives européennes, à l’instar de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et de la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), font monter d’un cran la pression régulatoire, quelle attitude adopter pour les PME suisses qui ne sont pas encore directement impactées par ces évolutions législatives ?
Comme le veut le proverbe, mieux vaut prévenir que guérir. Savoir anticiper l’inéluctable permet de se préparer dans de meilleures conditions.
Certes, les lois sont souvent perçues comme des contraintes, mais elles sont un mal nécessaire pour fixer un cadre, exiger un devoir de transparence, et rétablir une forme de compétitivité saine et loyale en diabolisant l’écoblanchiment.
Loin d’être une contrainte, la durabilité peut apporter de nombreux avantages et opportunités. Alors, comment faire et par où commencer ? Voici quelques points clés basés sur des retours d’expérience pratiques.
Le point de départ incontournable, c’est de savoir pourquoi l’entreprise souhaite mettre en place une stratégie de durabilité. Avec la pression réglementaire, les PME peuvent être tentées de se lancer à corps perdu dans l’établissement d’un plan d’actions sans savoir si ce dernier répond aux attentes de leurs parties prenantes internes et externes, et s’exposent alors au risque de s’épuiser si des priorités ne sont pas fixées.
Mettre en place une stratégie de durabilité demande du temps et de la réflexion. Ce n’est pas un sprint mais bien un marathon dont il est question. Elle doit être alignée sur les valeurs et les objectifs de l’entreprise et prendre en compte les attentes des parties prenantes. Le Comité de direction, a fortiori le Directeur général, jouent un rôle essentiel pour ancrer la durabilité dans la stratégie de l’entreprise et ainsi ouvrir la voie. Pour les PME qui répondent à des appels d’offres pour les marchés publics (et même privés), la composante extra-financière pèse de plus en plus dans les critères d’adjudication. A service/produit proposé et coût équivalent, l’entreprise capable de démontrer qu’elle se soucie des questions sociales, environnementales et de gouvernance maximise ses chances de gagner l’appel d’offres.
Une fois cette question résolue se pose le problème du temps et des ressources, aussi bien humaines que financières. Les PME ont rarement le luxe de pouvoir engager un Responsable de la durabilité. A défaut, c’est le Directeur général qui essaie de trouver du temps dans un agenda déjà très chargé, soutenu par des collaborateurs volontaires dans le meilleur des cas. Mais cette solution, bien que louable, est vouée à l’échec sur le long terme. Alors, comment faire ? N’hésitez pas à réseauter, à recourir aux outils existants et à devenir membre d’associations faîtières. Un diagnostic par un tiers peut aussi s’avérer utile. Le guide RPC de la durabilité à paraître fin 2024 pourra aussi vous aider à structurer votre démarche.
Dernier conseil et non des moindres : accompagner le changement. La durabilité est un sujet dont on parle beaucoup, mais cela ne signifie pas pour autant que vos collaborateurs, vos fournisseurs, vos clients, etc. sont à l’aise avec la thématique. Proposer des formations et des actions de sensibilisation à l’interne est une première étape pour opérer un changement culturel réussi et assurer une transition en douceur vers la mise en œuvre de votre plan d’actions. Engager sa chaîne de valeur pourra aussi constituer une étape importante mais chaque chose en son temps !
Avoir de fortes convictions, être pragmatique et authentique, et savoir faire preuve de résilience sont des atouts indéniables. Avant même de parler des enjeux sociaux et environnementaux d’une entreprise, celle-ci doit avant tout assurer sa survie financière. Ce n’est pas incompatible, mais cela signifie de facto que l’agenda des priorités peut régulièrement être revu, nécessitant aussi patience et flexibilité…
Le chemin est souvent long et tortueux, mais c’est ce qui en fait un défi passionnant. En s’engageant de manière proactive, les PME peuvent non seulement contribuer à un monde plus durable, mais également renforcer leur compétitivité et assurer leur pérennité.