François Christen
Chief Economist
Le récent repli des prix de l’énergie, notamment du pétrole brut, pourrait faciliter la tâche des autorités monétaires et renforcer l’ancrage des anticipations d’inflation.
Article original publié sur agefi.com
L’inversion de la courbe des rendements en dollars s’est encore accentuée en réaction aux récentes déclarations de James Bullard. Le président de la Fed de St. Louis, chef de file des «faucons», a exprimé sa volonté de relever le taux d’intérêt des «Fed funds» vers une fourchette entre 5% et 5,25% au minimum, voire jusqu’à 7% si les circonstances le demandent. Sans surprise, le plus austère des membres du FOMC a démenti toute perspective de revirement rapide en se référant aux erreurs commises par la Réserve fédérale d’Arthur Burns durant les années 1970.
Le message a été entendu par les investisseurs qui escomptent de nouveau un taux d’intérêt «terminal» supérieur à 5%. Dans cette perspective, le rendement du T-Note à deux ans s’est redressé au-dessus de 4,5% alors que celui du T-Note à dix ans a poursuivi le reflux déclenché par la décrue de l’inflation survenue en octobre. La courbe des rendements en dollars US a ainsi «pivoté» autour d’un axe situé aux environs de cinq ans d’échéance et présente désormais une «inversion» inédite de plus de 0,7% entre deux et dix ans d’échéance.
L’actualité conjoncturelle est plutôt réjouissante par les investisseurs en obligations. La faible progression des prix à la production observée en octobre (0,2% mensuel, 8% en glissement annuel; respectivement 0,0% et 6,7% hors énergie et alimentation) devrait favoriser un reflux accru de l’inflation des prix à la consommation au-delà de la bonne surprise du mois passé. Le récent repli des prix de l’énergie, notamment du pétrole brut, pourrait faciliter la tâche des autorités monétaires et renforcer l’ancrage des anticipations d’inflation.
La progression soutenue des ventes au détail (1,3% mensuel, 8,3% en glissement annuel, exprimée en valeur nominale) montre que la demande des ménages demeure robuste (bien que stagnante en termes réels, corrigée par les variations de prix), ce qui ne constitue pas une grande surprise compte tenu de la fermeté du marché du travail. Le secteur immobilier est en revanche lourdement affecté par le redressement des taux d’intérêt, comme en témoigne le déclin sévère de l’indice NAHB à 33 en octobre (contre 84 en décembre 2021, pour un indice centré sur 50). A l’instar de l’inversion de la courbe des rendements, le déclin persistant de l’indicateur avancé composite du Conference Board (en repli de 0,8% en octobre) préfigure une récession dont la sévérité et la durée dépendront de la capacité de la Fed à trouver le bon dosage et de facteurs «impondérables» qui échappent au contrôle de la banque centrale.
En Europe, la courbe des rendements en euros est quasiment horizontale, et même légèrement inversée si l’on se réfère aux emprunts du gouvernement allemand. Le rendement du «Bund» à dix ans est tombé en-dessous de 2% alors que celui du «Schatz» à deux ans avoisine 2,1%. Le renforcement de l’euro devrait inciter la BCE à se contenter d’un relèvement de taux d’intérêt de 0,5% en décembre avant d’adopter un rythme encore plus mesuré qui pourrait nous conduire vers des taux d’intérêt culminant près de 3%.
Au Royaume-Uni, les rendements en livres sterling ont fléchi malgré l’accélération de l’inflation britannique observée en octobre (2% mensuel, 11,1% en glissement annuel; respectivement 0,7%, 6,5% hors énergie et alimentation). Les orientations budgétaires dévoilées par Jeremy Hunt ont reçu un accueil favorable sur un marché des capitaux qui avait lourdement sanctionné Lizz Truss et son chancelier de l’Echiquier.