François Christen
Chief Economist
La vigueur du marché du travail américain apporte de la crédibilité à la posture austère de Jerome Powell.
Article original publié sur agefi.com
Le vent printanier de la désinflation qui soufflait en janvier a fait place à une météo plus tourmentée en raison d’un flux d’indicateurs soulignant la vigueur de la conjoncture et la persistance de l’inflation aux États-Unis. Les chiffres publiés la semaine passée s’inscrivent dans cette tendance. Après deux mois d’érosion, en novembre et décembre 2022, les dépenses de consommation personnelles ont bondi de 1,8% en janvier! L’indice de prix associé à cette statistique affiche une progression de 0,6% sur un mois et 5,4% en glissement annuel (respectivement 0,6% et 4,7% hors énergie et alimentation), supérieure aux attentes et loin de la cible de 2% visée par la Réserve fédérale.
Le redressement des PMIs publiés par S&P Global (47,8 en février après 46,9 en janvier du côté manufacturier, 50,5 après 46,8 en février pour les services) et l’amélioration de la confiance des consommateurs (67 après 64,9) suggèrent que l’économie américaine poursuit une expansion robuste, peu compatible avec une détente du marché du travail et une décrue rapide de l’inflation. En bref, l’actualité récente devrait conforter les banquiers centraux dans leur volonté de relever davantage les taux d’intérêt, comme évoqué dans le procès-verbal de la dernière réunion du FOMC.
La prochaine réunion, qui se tiendra les 21 et 22 mars, devrait donc se solder par un relèvement du taux d’intérêt de 0,25% au minimum, voire 0,5% si les indicateurs publiés d’ici là confirment les risques de surchauffe qui se manifestent depuis le début de l’année (à cet égard, on prêtera une attention particulière à l’évolution du marché du travail et des salaires ainsi qu’aux chiffres d’inflation qui seront dévoilés durant la première quinzaine de mars).
Malmené, le marché obligataire a poursuivi son repli, conduisant le rendement du T-Note US à 10 ans tout près de 4% tandis que le rendement du T-Note à 2 ans culmine aux environs de 4,8% après être tombé en dessous de 4,1% début février! Le climat d’insouciance entrevu en début d’année a ainsi fait place à une appréciation plus lucide de la balance des risques et de la trajectoire de la politique monétaire. Cette prise de conscience est toutefois moins évidente à Wall Street, où de nombreux investisseurs en actions persistent à espérer un improbable atterrissage en douceur sans conséquences graves pour les profits.
En Europe, la structure des taux d’intérêt en euros poursuit son redressement, en phase avec les États-Unis. Le rendement du «Bund» allemand à 10 ans d’échéance se rapproche de 2,6%, un niveau qui n’a plus été atteint depuis 2011, tandis que celui du «Schatz» à 2 ans a franchi 3%. Les primes de risque associées à la dette de l’Italie (et autres souverains «périphériques») sont stables, malgré le démarrage imminent d’un programme de resserrement quantitatif. Le déclin réjouissant des prix de l’énergie et l’amélioration du climat des affaires s’apparentent à un feu vert à un relèvement des taux d’intérêt de 0,5% en mars. Il faut toutefois relever que même si le scénario du pire (une récession provoquée par une crise énergétique) semble écarté, la conjoncture européenne demeure morose et sous la menace de risques de récession qui pourraient se matérialiser au deuxième semestre.
Contrecoup de la phase d’exubérance de janvier, la correction des marchés obligataires occidentaux survenue en février tend à justifier un rééquilibrage impliquant des prises de profits opportunistes sur les actions et une augmentation de l’exposition aux emprunts de qualité, aptes à endurer une récession modérée.