François Christen
Chief Economist
La vigueur du marché du travail américain apporte de la crédibilité à la posture austère de Jerome Powell.
Article publié sur agefi.com
Cette première semaine de mai comporte un menu copieux incluant les réunions du FOMC aux Etats-Unis et du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que de nombreux indicateurs importants. Sereins, les investisseurs sont bien préparés à la perspective d’un relèvement du taux d’intérêt des Fed Funds de 0,25 point de pourcentage vers une marge comprise entre 5% et 5,25%. Si la décision du FOMC ne fait guère de doutes, les termes du communiqué et les déclarations de Jerome Powell lors de la conférence de presse sont toutefois susceptibles de remettre en question le scénario amical escompté à Wall Street.
Un large «consensus» estime que le relèvement des taux d’intérêt attendu mercredi sera le dernier du cycle amorcé en mars 2022 et que cet ultime tour de vis précède un changement de cap à 180 degrés. Les «futures» du CME préfigurent un taux d’intérêt réduit dès septembre et ramené aux environs de 3% à fin 2024. Bien qu’un assouplissement semble probable à un tel horizon, les conditions actuelles ne sont guère compatibles avec un revirement rapide. Une pause jusqu’à la fin de l’année est plus probable que le «pivot» qui alimente un climat d’insouciance à Wall Street, reflété par un indice VIX tombé à 16!
Le combat persistant contre l’inflation
Les indicateurs récents mettent en lumière un régime de stagflation. La première estimation de la croissance réelle du PIB au premier trimestre s’établit à 1,1% en rythme annualisé, alors que la croissance nominale se chiffre à 5,1% en raison d’une augmentation des prix de 4%. L’expansion du PIB est un peu plus faible que prévu, mais elle ne change pas la donne pour une Réserve fédérale qui devrait poursuivre son combat contre l’inflation. A cet égard, la progression de l’indice de prix lié aux dépenses personnelles en avril (0,3% mensuel, 4,6% en glissement annuel hors énergie et alimentation) demeure problématique. De plus, la progression du coût de l’emploi (1,2% durant le premier trimestre, 4,6% en glissement annuel) est soutenue. Le rebond de l’indice ISM consacré au secteur manufacturier (47,1 en avril après 46,3 en mars) traduit des risques de récession moins prononcés et des prix à nouveau orientés à la hausse.
En Europe, les rendements en euros ont sensiblement baissé après la publication de la première estimation de la croissance du PIB de l’UME au premier trimestre (0,1% par rapport au trimestre précédent, 1,3% en glissement annuel). A l’instar des Etats-Unis, la zone euro traverse une phase de stagnation, mais elle a échappé aux tourments d’une récession sévère provoquée par une pénurie d’électricité. La stabilité de l’indice du sentiment économique (99,3 en avril après 99,2 en mars) traduit une conjoncture morose.
Le Conseil des gouverneurs de la BCE s’apprête à relever jeudi ses taux d’intérêt directeurs d’un quart de pourcentage, soit à 3,25% pour les dépôts. Le dérapage incontrôlé de l’inflation sous-jacente est tel que la BCE devrait exprimer sa volonté de relever davantage les taux d’intérêt en juin, voire au-delà. A cet égard, la première estimation de l’inflation attendue ce mardi pourrait influer sur la décision du Conseil, le ton du communiqué et le message transmis par Christine Lagarde.
Sur le marché du crédit, les primes de risque ont peu varié durant le mois d’avril. Les emprunts d’entreprises de catégorie Investment Grade affichent en moyenne un spread de l’ordre de 1,4%, en léger repli par rapport à fin mars alors que le spread moyen dans le segment high yield s’établit tout près de 5%.