
François Christen
Chief Economist
La correction inédite des obligations en 2022 implique des perspectives plus favorables pour 2023.
Article original publié sur agefi.com

2022 restera dans les annales comme un millésime exécrable. Le repli de près de 14% de l’indice de performance global WorldBIG de FTSE Russel intégrant tous les emprunts souverains et privés de catégorie «Investment Grade» est sans précédent. La correction de 12,6% de l’indice toutes maturités des emprunts du Trésor US est aussi inédite. La sanction est encore plus sévère sur le marché des capitaux souverains de l’UME où la perte annuelle a atteint 18,5% et au Royaume-Uni qui se distingue par un repli de 27% imputable à une duration très élevée.
Sur le marché du crédit aux entreprises, les emprunts de catégorie «Investment Grade» ont été doublement sanctionnés par le redressement des taux d’intérêt «sans risque» et un élargissement d’environ 50 points de base des primes de risque de crédit en 2022. La duration amoindrie du segment des obligations «High Yield» a permis de limiter la casse, mais l’augmentation des primes de risque a dépassé 100 points de base l’an passé, avec des épisodes de stress en juillet et à fin septembre.
Pour la plupart des investisseurs, 2022 se solde par des performances négatives à «deux chiffres», tant pour les profils conservateurs que pour les profils plus risqués. Bien que l’horizon demeure maussade, les perspectives pour 2023 s’annoncent plus favorables, notamment pour les multiples segments du marché obligataire qui ont retrouvé un indéniable attrait après des années de «vaches maigres» et de «répression» caractérisée par des rendements nominaux et réels déprimés et des «spreads» étriqués.
Le reflux de l’inflation qui a commencé à se matérialiser aux Etats-Unis et en Europe devrait inciter les banques centrales à se montrer moins hostiles en 2023 après la brutale séance de rattrapage de 2022. A défaut de «pivot», la Fed et la BCE ont commencé à réduire le rythme du relèvement des taux d’intérêt en décembre et s’acheminent vers une pause en 2023. Aux Etats-Unis, les déclarations de certains banquiers centraux suggèrent que le FOMC se contentera de relever le taux d’intérêt des «Fed Funds» de 0,25 point de pourcentage le 1er février (vers une marge de 4,5% à 4,75%) pour se donner le temps d’évaluer la conjoncture. Le «consensus» reflété par les futures du CME escompte un dernier relèvement de 0,25 point en mars, puis un hypothétique revirement avant la fin de l’année en contradiction avec les signaux émis par Jerome Powell et ses collègues.
Les indicateurs économiques récents ont reçu un accueil enthousiaste à Wall Street, mais plus mesuré sur le marché obligataire. Le repli des indices ISM (48,4 du côté manufacturier, 49,6 pour les services) traduit une contraction de l’activité qui n’est pas corroborée par la fermeté du marché du travail où l’embauche a atteint 223.000 en décembre et le taux de chômage est retombé à 3,5%. Certes, la progression du salaire horaire moyen a ralenti à 4,6% en glissement annuel, mais les statistiques récentes ne permettent pas de diagnostiquer un atterrissage en douceur ou le succès de la périlleuse mission de la Fed.
En Europe, le rendement du Bund allemand à 10 ans a culminé à 2,6% avant de refluer aux environs de 2,25%. Le repli des prix de l’énergie a favorisé un ralentissement de l’inflation annuelle dans la zone euro à 9,2% en décembre (en première préliminaire, après 10,1% en novembre). L’accélération de l’inflation hors énergie et alimentation à 5,2% devrait toutefois renforcer la détermination des nombreux faucons qui siègent au Conseil des gouverneurs de la BCE. La faiblesse persistante du taux de chômage de la zone euro (inchangé à 6,5% en novembre, toujours au plus bas historique) et le rétablissement de la confiance des entreprises et des ménages suggèrent que la BCE a encore un certain chemin à parcourir et que les obligations en euros demeurent vulnérables en dépit de la forte réévaluation intervenue l’an passé.